Malentendu (Philibert)

C’était vendredi soir et il y avait foule au restaurant de la famille Yuudai. Mère de famille n’ayant pas envie de cuisiner pour les petits ou autre jeune gens venant tout juste de finir de travailler, il semblait que la sandwicherie était endroit de rassemblement pour les habitants d’Asheimkai, ce qui n’était pas pour plaire à Kou.

Ses parents étaient partis en voyage à Manvet, laissant le restaurant à lui et son petit frère Saki. Pour compenser le fait qu’ils n’étaient maintenant plus que deux, ils avaient engagé un employé supplémentaire. Employé qui, maintenant, était introuvable. Le blond poussait des séries de jurons impressionnant dans les cuisines, alors que son cadet travaillait à la caisse (les deux frères avaient jugé que c’était Saki qui avait le plus de charisme.)

Kou avait bien tenté de convaincre Will de venir l’aider, mais ce dernier avait refusé, parce que les sandwichs, c’était quand même moins classe que les chiens, non mais oh. En y repensant, le Yuudai était encore plus en colère. Ils avaient embauché un grand brun bon à rien, mais c’était tout de même mieux que de n’être que deux, et donc le punk sorti des cuisines pour aller voir dans la petite ruelle à côté du restaurant, ou il se cachait la plus part du temps.

Effectivement, l’imbécile était bel et bien là, et Kou ne perdit pas une seconde à le rentrer à l’intérieur, le tirant par le bras pour le replacer aux fourneaux, lui demandant poliment :

-Non mais bordel, pourquoi je te paie, coNNARD?!

Il n’avait pas remarqué que ce n’était pas son employé, mais un homme qui lui ressemblait vaguement. Le restaurant était beaucoup trop bondé pour qu’il s’attarde à de si petits détails. Il lui lança un tablier et ordonna :

-Faut trois numéros 5 et 2 numéro 7, et fait pas le con! Mange pas la bouffe comme la dernière fois!

Non mais oh! Fallait pas ambitionner non plus! Il allait lui faire bouffer son poing, sinon.

1 heure 30.
Oui, surement, 1h30 que Philibert était parti en direction du super marché pour faire les courses, c'est 30 minutes de plus qu' il en faut à Soo pour y aller, acheter le nécessaire, et revenir à l'appartement que les deux jeunes gens partageaient. Mais seulement, la proximité et le confort des bancs tout au long de la route n'aidait pas l'ancien mafieux à accomplir sa tâche.
Alors qu'il se relevait une nouvelle fois d'un banc à peine usé, il ne pouvait s'empêcher de râler intérieurement sur le tirage au sort qui l'a désigné pour les courses hebdomadaires. Pile je gagne, face tu perds. Si seulement le brun n'avait pas eu la flemme de penser quelques secondes à la cohérence de cette proposition il en serait pas là... Mais quand il s'allonge sur ce canapé si... accueillant, il perdait toute envie d'agir, enfin les miettes d'envie d'agir dont disposait l'homme de main.
Finalement, Philibert s'arrêta devant une sombre ruelle, toujours les mains dans les poches et les yeux à moitie clos. C'était un raccourci, donc moins de marche, et cette idée lui plaisait fortement. Il s'engagea alors dans l'étroite allée sans se poser de questions, c'étant auto-convaincu de la nécessité de celle ci.
Il ne se passa que quelques secondes avant que quelqu'un ne lui attrape le bras et commence à le tirer énergiquement.
Sans se tourner, le brun eut une légère illumination, habituellement, il aurait déjà fait une clé de bras à la personne qui le touchait et asséner une droite pour lui coller le visage contre le sol, mais une agression ? La c' était parfait ! L'excuse idéale pour ne pas finir les courses, sans compter qu'il fallait les porter en plus sur le chemin du retour.
Cependant, le temps qu'il réfléchisse à tout ca, le jeune homme se retrouva devant une table pleine d'ingrédients, se faisant insulter au passage par une espèce de punk qui lui rappelle très vaguement quelque chose...
Puis il se prit un tablier en pleine face, non pas qu'il ne l'ait pas vu venir, mais plus parce qu'il ne voulait pas dépenser d'énergie à sortir les mains de ses poches.
Le vêtement plutôt sale fini sa course sur le sol, abandonne par son propriétaire et son destinataire en même temps. Le brun le regarda alors qu'on lui criait des instructions, c' était finalement rate pour cette agression... Mais au final il était ou la ?
Doucement il leva les yeux, la pièce en disait long sur le lieu. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu'il était dans la cuisine de ce qui semblait être un restaurant, vu le bruit qui venait de la salle, c' était un endroit dans lequel il n'avait encore jamais mis les pieds, même lorsqu'il servait de dissuasion au moment de racketter les petits commerces sous la protection de son ancien patron.
Le brun sortit finalement ses mains de ses poches, il n'y avait pas de chaise, il s'appuya lourdement sur la table qui lui faisait face pour ne pas rester debout inutilement et fit demi tour pour s'agresser aux punks occupé :

" Je suis persuadé qu'un restaurant où le client cuisine ce qu'il va manger est un concept innovant qui fonctionnerait tu sais, sinon tu ne voudrais pas appeler ma colocataire pour lui faire croire que tu me tiens en otage, puis je pars d'ici 20 minutes ? Je n'ai pas la foi de t'expliquer mais ce serait cool..."

Son interlocuteur se préparait à réagir, mais Philibert le coupa en pensant à voix haute :

" Ah ouais... mais non j'ai pas envie de lui mentir... pffffouuu... Je vais allez m'asseoir et attendre plutôt tiens, puis je partirais quand je serais motive."

Sur ces paroles le brun se releva mollement et commença à se diriger vers ce qui semblait être la salle de cet hypothétique restaurant, traînant toujours de la patte comme il avait l'habitude au grand désespoir Soo...

A peine fut il installé que Philibert se fit rattraper par le gérant probable de cet endroit.

"_Oy. C’est pas un parc ici, va falloir commander si tu veux squatter."

Le brun laissa tomber mollement sa tête sur la table, il venait juste de s'asseoir il n'allait quand même pas devoir se relever, pas tout de suite...
Il tourna son visage pour observer la longue file d'attente qui serpentait entre les quelques tables, finit par remarquer le dernier client.
Il le pointa du doigt et marmonna :

" - J'ai compris. Donc dans la file je suis derrière ce type à la chemise rouge là bas, je commanderais après lui."

Philibert n'avait guère le choix, mais c'était toujours mieux d'attendre ici même pour commander que de l'autre côté du mur, dans les cuisines avec cet étrange punk qui parle de manière autoritaire et s'adresse à lui sans raison particulière, lui reprochant des choses qu'il n'avait jamais faites qui plus est.
Par contre le brun ne se rendait pas compte d'une chose, son attitude fainéante et désinvolte était tout aussi énervante que la maigre violence de son interlocuteur, sans compter qu'elle pouvait être interpréter pour une provocation gratuite, démontrant un irrespect complet.
L'homme de main ne réfléchissait que très rarement à ces choses là, les normes de la société, le comportement vis à vis des autres, la politesse etc... Ça le dépassait complètement, il n'en avait jamais saisi l'intérêt.
Peut être si son père n'avait pas était son père, si sa mère n'était pas tombé gravement malade, si toutes ces circonstances ne c'était pas regroupé ensemble, il serait simplement en train de s'excuser à cause de cette simple méprise, et qu'il quitterait la sandwicherie avec le sourire et une anecdote à raconter le soir à sa femme et ses deux jeunes enfants : Léopold et Ernestine. Mais non à la place, l'acolyte célibataire et étrange se contenta d'ajouter :

" - C'est bon ce que vous faites au moins ? "