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Thérapie (#1)

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Message par Kaarasu Takami Dim 24 Juin - 2:45



La caméra capte l’ensemble d’une petite salle aux murs blancs. Un homme en sarrau escorte un adolescent jusqu’à la petite table qui meuble la pièce et le fait asseoir face à l’objectif. Dans le coin supérieur droit de l’écran, la date est suivie d’une courte indication : Takami - Première consultation.  

— Bonjour, Kaarasu, dit une femme qui n’apparait pas dans le cadre, assise du même côté que la caméra. Je suis le docteur Sakina Jankovic. C’est moi qui serai en charge de ton dossier ici.

Le jeune homme la regarde d’un air un peu perdu. Il a l’air épuisé.

— Bonjour.

— Nous espérons que ton séjour à l’institut psychiatrique d’Asheimkai se passera bien. Comment te sens-tu, aujourd’hui ?

— Lourd.

— Sais-tu pourquoi tu es ici ?

— Est-ce vraiment nécessaire ?

Il désigne d’un signe du menton ses poignets cerclés de gros bracelets électroniques.

— Vous avez peur que je vous saute à la gorge ?

— Ils sont électrifiés, explique calmement la psychiatre. La thérapie par électrochocs a fait ses preuves depuis des millénaires. Loin de nous l’idée de te menacer.

— Voyez-vous cela.

— C’est moins douloureux qu’on le pense.

— Me voilà rassuré.

— Nous sommes ici pour t’aider.

— Mais ?


— Tu vas devoir nous aider en retour.

— Très bien.


Le docteur Jankovic s’interrompt. Le grattement du stylo sur le papier se fait entendre alors qu’elle prend des notes.

— Ta mère nous a dit que tu présentais des comportements inhabituels. Des crises psychotiques. Sais-tu ce que ce mot signifie ?

— Oui.


— Crois-tu qu’elle a raison ?

— Oui, sur ce point.

— Développe.


— Il m’arrive de voir des choses et des gens qui ne sont pas vraiment là et d’entendre des voix que personne d’autre n’entend.

— Fréquemment ?


— Assez.


— Présentement, y-a-t-il des choses ou des personnes dans cette pièce dont tu douterais de l’existence ?

— Non, mais j’entend des chuchotements.


— Depuis que tu es entré ici ?

— Depuis qu’on m’a conduit à cet hôpital.


— Et qu’est-ce qu’ils te disent ?

— Que je dois trouver un moyen de sortir d’ici, répond-t-il en baillant. Que vous voulez ma mort. Quand on a traversé le couloir pour m’emmener dans cette pièce, ils m’ont fortement suggéré de me jeter de toutes mes forces dans la fenêtre. À quel étage sommes-nous ?

— Au sixième, mais nos vitres sont trop épaisses pour être brisées. Sans vouloir t’offenser, tu n’es pas très imposant.

— Vous ne m’offensez pas. Leurs suggestions sont rarement réalistes.

— As-tu eu envie de le faire ?

— Non. J’étais trop fatigué.

— Depuis combien de temps tu n’as pas dormi ?

— Depuis la mort des Kotasu, je crois.

Deuxième pause. La psychiatre griffonne quelque chose.

— Quand nous auront terminé cet entretien, je te donnerai le nécessaire pour dormir jusqu’à demain. C’est d’accord ?

Il hausse les épaules.

— D’accord.

— Tu n’as pas besoin d’endurer ça au quotidien, tu sais. Il existe des traitements, des médicaments qui feront taire les voix dans ta tête et auront l’effet d’une bouée de secours, te permettant de garder la tête hors de l’eau, bien ancré dans la réalité.

Le patient ne répond pas. Il détourne le regard, comme mal-à-l’aise.

— Lors de ces crises, reprend la psychiatre au bout d’un moment, te considères-tu plus agressif ?

— Non.

— As-tu déjà blessé quelqu’un ?

— C’est une question assez vague.

— Physiquement ?


— Oui, mais j’étais lucide.

— Qui ?


— Un camarade de classe.

— Nômi Kotasu ?


Il parait contrarié, pour la première fois.

— Non.

— En es-tu certain ?

— Nô a dit que je l’avais blessé ?

— Peut-être.


Il rit, sèchement.

— Je crois que vous me mentez, Sensei. Vous lui avez parlé ?

— Pas moi, non.

— Pourquoi me parlez-vous de lui ?

— Selon ta mère, tu entretiendrais une relation malsaine avec ce garçon.

— Malsaine ?

— Elle te croit obsédé par lui, au point de le menacer et de le manipuler pour le mettre à ton service.

— Je n’ai jamais fait de mal à Nô.

— As-tu déjà voulu lui faire du mal ?

— Non.

— As-tu déjà voulu faire du mal à quelqu’un d’autre ?

— Oui.


— L’as-tu fait ?

— Parfois.


— As-tu déjà voulu tuer quelqu’un ?

— Oui.

— N’importe qui ou quelqu’un en particulier ?


— Quelqu’un en particulier.

— Qui ?

Kaarasu ne répond pas.

— L’as-tu fait ?

— Non.

— Pourquoi ?

Il hésite.

— On m’a demandé de ne pas le faire.

— Qui ?

— … Quelqu’un d’important.


— Je vois.

Il ne semble pas décidé à en dire plus.

— Quelle est ta relation avec la famille Kotasu ?

— Nô et moi sommes amis. Mamoru et moi ne sommes pas amis. J’aimais bien leurs parents. Ils m’ont amené chez le dentiste, une fois.

— Comment as-tu vécu leur mort ?

— Je… J’étais inquiet pour Nô.

— Je ne passerai pas par quatre chemins, Kaarasu, ta mère n’en a pas fait part à la police pour le moment, mais elle croit que tu pourrais être impliqué dans ce meurtre.

— Elle se trompe,
répond le patient après un moment.

La psychiatre le laisse poursuivre.

— Je sais à quoi ressemble un véritable psychopathe… Je n’ai rien en commun avec.. ce genre de sauvagerie, malgré ce qu’elle semble croire.

— Sais-tu quelque chose à propos de cette affaire ?

Il hésite.

— Sais-tu qui a tué les Kotasu ?

Il fait oui de la tête.

— Non.

— Un « véritable psychopathe » ?

— Je n’ai aucune preuve.


Il semble de plus en plus inconfortable. Il lance un regard furtif en direction de la porte.

— Il y a quelque chose par là ? demande le docteur en suivant son regard.

Il hoche la tête.

— Ça va aller. Ce n’est pas réel. Aussi menaçant que ça puisse paraitre, ça ne peut pas te faire de mal. Tu ne risques rien, ici, Kaarasu. Dis-moi ce que tu sais et nous mettrons un terme à tout ça. Tu pourras aller dormir.

Le patient prend une grande inspiration et reporte son attention au docteur Jankovic.

— Je ne suis pas… C’est plus compliqué que ça en a l’air.

— Pourquoi essaies-tu de le protéger ?


— J’essaie seulement… de ne pas aggraver la situation…

— As-tu peur pour ta famille ?

Il porte une main à son oreille gauche alors que l’autre s’enroule autour de son propre cou.

— Je vous en prie, murmure-t-il. Donnez-moi une pilule, électrocutez-moi, je ne sais pas, faites quelque chose….

— D’accord, d’accord.

La main aux ongles parfaitement manucurés de la psychiatre apparait dans le cadre. Elle fait un signe en direction de la porte et, aussitôt, un homme un sarrau s’approche calmement du patient. Il lui prend la main, en essayant de ne pas le brusquer, et enfonce une seringue dans son avant-bras.

— Ça va aller, on inspire.

Le patient se calme. Il reprend peu à peu une respiration régulière.

— Je serai juste de l’autre côté de la porte, s’il y a un souci, dit l’infirmier avant de quitter la salle de consultation.

Le docteur Jankovic demeure silencieuse. Elle attend que le jeune homme veuille bien lui parler, de son propre gré. Au bout d’un moment, il se résigne, la voix plus fatiguée, plus trainante :

— Très bien, dit-il. Je… Je veux bien vous dire ce que je sais, mais à une condition.

— Je t’écoute.

— Vous devez me promettre que vous ne me croirez pas.

— Je te demande pardon ?

— Je n’ai pas toute ma tête, vous l’avez bien vu, alors ça pourrait ne pas être la vérité. Vous allez éteindre la caméra et les micros, m’emmener marcher dans la cour, je vous raconterai une histoire et vous n’en croirez pas un mot. Après, vous déciderez si vous voulez toujours m’aider, c’est d’accord ?

— … Très bien.

La caméra est coupée.
Kaarasu Takami
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